Le nombre de souches de bactéries insensibles aux antibiotiques augmente. Quelles en sont les causes et quelles stratégies adopter pour en limiter les conséquences?
Grosse frayeur cet été: le monde médical apprenait, non sans frémir, qu'au Japon puis aux Etats-Unis, deux patients infectés par le staphylocoque doré (microbe impliqué dans les abcès, furoncles, etc.) ne répondaient pas à la vancomycine.
«On le craignait depuis longtemps, car c'était le seul antibiotique encore efficace contre ce germe lorsqu'il devient multirésistant», confie le Dr Didier Pittet, responsable de l'Unité de prévention et de contrôle de l'infection aux Hôpitaux universitaires de Genève. Il faut une dizaine d'années pour mettre au point une nouvelle arme antibactérienne...
Tout se passe comme s'il existait une formidable course-poursuite entre la découverte et l'usage
de médicaments actifs et la capacité des germes à trouver les moyens d'échapper à l'ingéniosité humaine.
Cette adaptation des bactéries aux pièges que nous leur tendons rend la situation particulièrement épineuse dans les hôpitaux: c'est là, en effet, que sont soignés les patients les plus mal en point et où ont lieu des interventions comportant un risque de complications sévères (infections post-opératoires, du sang).
Reste que la communauté n'est pas épargnée par le problème: il n'est pas rare d'observer chez le médecin de ville des cas de pneumonie ou de bronchite réfractaire aux traitements classiques.
Mais pourquoi certains germes sont-ils devenus résistants? «Les bactéries existent depuis très longtemps et possèdent des propriétés leur permettant de survivre dans un milieu hostile, explique Didier Pittet. Elles ont appris à se défendre dès l'arrivée des premiers antibiotiques.»
L'homme a aussi sa part de responsabilité: une consommation abusive d'antibiotiques à large spectre a certainement contribué au développement de multirésistances. S'attaquer sans discernement à toutes les bactéries à la fois incite ces dernières à se protéger. Une attitude défensive qui peut mener tout droit à l'échec thérapeutique.
Ajouter à cela la mauvaise observance notoire d'un grand nombre de patients. Lesquels interrompent leur traitement dès les premiers signes d'amélioration ou encore ne prennent qu'un comprimé sur deux... Résultat, les germes ne sont pas tous tués, ce qui augmente le risque de récidive et de surinfection avec des germes résistants (comme dans le cas de la tuberculose).
Afin d'éviter l'avènement d'une ère postantibiotique des plus hasardeuses, une politique de lutte vigoureuse doit être mise en place.
A l'hôpital, des mesures strictes d'hygiène, tant au niveau du personnel que dans les services techniques, sont la condition sine qua non pour limiter la transmission de germes pendant les soins et entre les patients.
En outre, il s'agit de rationaliser l'utilisation des antibiotiques en choisissant le spectre le plus étroit possible. D'où la nécessité d'analyser au plus vite la nature des germes pour choisir les bons médicaments.
Autre stratégie payante, mise en Ïuvre à Genève: la mise sur pied d'un réseau de surveillance composé d'infirmières spécialisées ainsi qu'un système d'alerte informatique. Relié au laboratoire de bactériologie et au fichier central, il permet de signaler tout début d'épidémie de germes résistants et d'aider à la prise en charge des patients.